Encombrer les urgences

Encombrer les urgences

Depuis quelques mois, j’ai cette désagréable impression d’encombrer les urgences de l’hôpital régulièrement alors que ça ne m’était jamais arrivé les années précédentes. D’où me vient cette impression gênante ?

L’importance du médecin traitant

Quand Jolie Fleur était bébé, nous vivions en Ile de France et elle était suivie par un pédiatre. C’était très facile d’obtenir un rendez-vous avec lui, même en urgence.

Après notre déménagement en Dordogne, nous avons vite compris qu’on ne trouverait pas de pédiatre (il n’y en a tout simplement aucun qui ait encore de la place pour de nouveaux patients). En revanche, nous avons trouvé un médecin généraliste génial (à l’écoute, qui prend son temps, se souvient de notre dossier,…) qui est devenu notre médecin traitant.

Crédit photo : Karolina Grabowska

Il nous a suivis pendant plus de deux ans. Si Jolie Fleur était malade, on avait un rendez-vous très rapidement. Mais, durant la crise du Covid, il a déménagé et nous avons été obligés de prendre sa collègue de cabinet comme médecin traitant. Collègue que nous avons très vite fuie après trois grosses erreurs de diagnostic/ordonnances.

Nous avons changé de médecin traitant et avons « choisi » un des seuls médecins du secteur ayant encore de la place. C’est un bon médecin mais… il ne consulte pas le samedi (pour des raisons tout à fait valables) et il est très difficile d’obtenir un rendez-vous d’urgence avec lui. A cause de la pénurie de médecins dans notre département, il est pris d’assaut et son planning est surchargé.

Alors, quand il arrive que Jolie Fleur ou Hirondelle (qui est née entre-temps) soient malades, on l’appelle pour obtenir un rendez-vous rapidement. Une fois sur deux, il ne peut pas nous recevoir. Si l’enfant malade ne va pas bien du tout (ce qui arrive quasiment toujours un week-end…), on se retrouve obligé d’appeler le 15 pour obtenir le nom du médecin de garde.

La découverte des urgences

Nous avons découvert les urgences de l’hôpital quand Hirondelle a eu son souci au pied, que j’ai déjà raconté ici. Heureusement, ce fut la seule fois où nous sommes allés aux urgences pour une réelle urgence.

Pourtant, nous y sommes retournés plusieurs fois depuis.

Crédit photo : Karolina Grabowska

Un week-end, alors qu’elle avait 6 ou 8 mois, Hirondelle a eu beaucoup de fièvre. Nous avons appelé le 15 qui nous a renvoyés vers le médecin de garde. L’Homme s’est rendu à son cabinet avec Hirondelle. C’était un vieux médecin, dont le cabinet était situé face à une maison de retraite. Il devait avoir l’habitude des patients d’un certain âge car il a complètement paniqué à la vue d’Hirondelle et a refusé de l’ausculter, en disant qu’il ne savait pas comment faire avec les bébés. L’Homme a donc été obligé de se rendre aux urgences pour faire ausculter notre bébé. Ce n’était « qu’une » angine mais nous avons bien été soulagés d’obtenir un traitement pour faire baisser les 40°C de fièvre.

Après cette mésaventure, nous avons décidé d’arrêter de consulter les médecins de garde, de peur de retomber sur des cas comme celui-ci.

C’est ainsi que, parce que notre médecin traitant surchargé ne pouvait pas nous recevoir, nous nous sommes rendus encore trois fois aux urgences ces douze derniers mois. C’étaient trois consultations qui ne nécessitaient pas l’intervention d’un médecin urgentiste mais nous ne savions pas quoi faire d’autre.

Mes copines chroniqueuses m’ont parlé des téléconsultations à toute heure qui leur ont évité à plusieurs reprises ce genre de mésaventure. Mais à chaque fois, mes filles avaient besoin d’être auscultées (pour une otite, une blessure, ou une éruption cutanée étrange), ce qui n’est pas possible (ou limité) en téléconsultation.

A chaque fois que je suis allée aux urgences « pour rien », je me suis sentie obligée de m’excuser platement une dizaine de fois auprès du médecin et des infirmiers que je rencontrais. A chaque fois, j’avais cette impression de gêner, d’utiliser l’énergie et les ressources des médecins et de l’hôpital pour pas grand chose. Je me sens coupable d’amener mes enfants à l’hôpital et je déteste ça.

Pourtant, je sais que cela m’arrivera certainement encore quelques fois. Parce que le médecin ne peut pas nous recevoir, parce que ma fille ne va pas bien, parce que la situation ne se prête pas à une téléconsultation, … Et à chaque fois, je me sentirai coupable.

Car, à chaque fois, j’empêcherai le personnel soignant de prendre en charge un enfant qui en aurait bien plus besoin que ma fille et sa simple fièvre. Mais je le ferai quand même. Parce que même si « ce n’est pas très grave » et que ça pourrait attendre trois jours de plus que notre médecin traitant nous reçoive, je ne veux pas laisser ma fille souffrir plusieurs jours.

Et je me poserai toujours la même question : est-ce que ça mérite d’encombrer les urgences ?

6 commentaires sur “Encombrer les urgences

  1. Merci pour ton retour d’expérience Chacha. Ca me parle puisque je suis médecin généraliste dans une zone semi rurale, mais sans pénurie de médecins. Dans ton cas tu fais au mieux là où tu habites !
    J’hallucine pour le médecin qui ne « sait pas » ausculter un nourrisson. Ca fait partie des compétences du médecin généraliste. Malgré cette mauvaise expérience, le reflexe du médecin de garde via le 15 est bon. Sache que les médecins de garde sont les médecins généralistes de ton secteur géographique donc tu peux tomber sur le tien. Au pire si c est le « vieux médecin » que le 15 te passe au bout du fil, tu peux toujours dire que finalement tu vas aux urgences ou que tu n’as pas besoin de consulter.
    Concernant la teleconsultarion, merci de rappeler que certains motifs n’y sont pas adaptés !
    Enfin, concernant certains motifs : les éruptions cutanées chez l’enfant sont très souvent bénignes et n’ont généralement pas besoin d être vues le jour même (prend des photos si ça évolue ou si ça a disparu lorsque tu consultes…mais dans ce cas tu auras peut être annulé la consultation ). Lorsqu’on ausculte un enfant qui a de la fièvre depuis moins de 48 heures, on trouve très souvent rien. Donc pour un enfant fébrile qui semble bien tolérer la fièvre (fievre qui repond au paracetamol, enfant qui joue et mange dès que la fièvre baisse), on conseille de consulter si la fièvre dure au moins 3 jours. Ça élimine pas mal de fièvre d’origine virale qui passent toutes seules.

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  2. Je suis comme toi. Je n ai pas envie d aller aux urgences si ce n est pas « urgent » mais j ai la chance d être en île de France et d avoir accès à 2 médecins traitants et une pédiatre. Si ce n était pas le cas et que ça touche mon bébé je ferai sûrement comme toi.
    Bon courage

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  3. Lorsque j’habitais en zone rurale, je faisais comme toi faute de choix. En revanche, l’hôpital où nous allions accueillait le doc de garde. Ainsi, nous n’avions pas à appeler le 15, on allait aux urgences qui faisaient donc le tri entre ce qui relevait de l’urgence et ce qui relevait de la médecine générale. Hyper pratique.
    Maintenant que je suis revenue en IDF, je suis bien contente de te lire ainsi que @l’abeille car vos expériences donnent quelques astuces, notamment celle d’appeler le 15 pour connaître le doc d’urgence… que je ne connaissais pas.
    Quant à la téléconsultation, on m’a dit plusieurs fois (pharmacie, doc, mutuelle) que ce système ne se prêtait tout simplement pas aux enfants de moins de 6 ans.

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  4. J’ai découvert la page Facebook de To be or not toubib, médecin aux urgences pédiatriques. Ces fiches récap sont top pour savoir comment réagir devant les petits et plus gros bobos des enfants et quand venir aux urgences.
    Il a également sorti un bouquin que j’offre régulièrement aux nouveaux parents !

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  5. Tu sais, tu ne vas pas aux urgences « pour rien » si ton enfant souffre et que tu n’as pas d’autre solution pour quil soit examiné. C’est certes pas le but premier, mais c’est une solution moins mauvaise que de ne pas pouvoir voir un médecin si tu es inquiète.
    Je comprends cette volonté de t’excuser auprès des soignants des urgences, mais ceux qui devraient s’excuser cest ceux qui s’abstiennent d’une réelle politique de santé de première ligne.
    Je suis MG en Belgique, le système est loin detre parfait mais dans notre groupement de médecins, si tu as besoin (=si tu considères avoir besoin) dun médecin le jour-meme, c’est possible. Et même si parfois je râle (coucou le mal de dos depuis 3 semaines qui devient urgent vendredi 18h45 quand tu essaies de finir à 19h) c’est réellement comme ça que ça devrait fonctionner si on veut des services d’urgence reserves aux urgences.

    Je plussoie par contre concernant la seconde chance au service de garde. Comme partout (y compris à l’hôpital, jai des anecdotes qui font froid dans le dos) tu peux mal tomber, mais si cest bien organisé c’est une bonne alternative.

    Et toubib or not toubib publie de super ressources oui 🙂

    Bref ne culpabilise pas trop. De toutes façons quand on est parents on perd pas mal de recul et d’objectivité donc même si c’est pas grave, si tu as un doute ça vaut le coup d’avoir un œil extérieur (on en parle de mon enfant que jai hésité à amener aux urgences et qui y est resté 2j sous oxygène pour une crise d’asthme? Asthme que je n’avais pas décelé alors que j’en soigne tous les jours ?)

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  6. Bonjour
    Merci pour ton partage.
    Concrètement un bébé de moins de 3 mois qui a de la fièvre c’est les urgences directement. Entre 3 et 6 mois on peut se laisser 24h, donner du paracetamol, et surveiller son enfant et au dessus de 6 mois on.peut se laisser 48h à 72h, idem paracetamol et surveillance..souvent les parents sont mal informés ce qui est dommage car l’encombrement des urgences est surtout lié à ça

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